ÉTHIOPIE
Les contours de la mer Rouge et du golfe d’Aden dessinent sur la carte une déchirure qui, par la dérive des continents, arracha l’Arabie de l’Afrique. Du côté abyssin, volcans, failles, séismes soulignent que cette dislocation se prolonge. Du Yémen à l’Éthiopie, les hauts plateaux et les hommes se ressemblent: certaines populations éthiopiennes se croient d’origine sud-arabe, descendantes de la reine de Saba. De fait, au nord de l’Éthiopie, l’écriture, les dialectes, la religion antique furent jadis les mêmes qu’au Yémen himyarite. Mais rien n’assure que le principal foyer de l’ensemble des civilisations éthiopiennes ait été en Arabie plutôt qu’en Afrique.
Toutefois, les Anglais, pour protéger l’Égypte et le Soudan, lui imposeront une limitation de ses droits sur les eaux éthiopiennes du Nil Bleu (1902). Quant aux Italiens, leurs intrigues font disparaître mystérieusement du traité délimitant la Somalie un document essentiel: une carte, contresignée comme appendice au traité de 1897. Spéculant sur la maladie de Ménélik, probablement provoquée, Italiens et Britanniques ne renonceraient point à se partager son empire... sur le papier, si le souverain ne s’obstinait à survivre et à protester. La France fera elle aussi obstacle aux plus brutales clauses du "traité tripartite" de 1906. Italiens et Britanniques sont d’ailleurs aux prises depuis 1897 avec la féroce révolte du mullah somali, Mohammed Abdullah Hassan, qui, bénéficiant d’aides cachées des Éthiopiens, ne sera vaincu qu’en 1920.
Haïlé Sellassié de 1941 à 1966
Lorsque Haïlé Sellassié voulut récupérer sa nation, certains – dont l’Égypte – lui contestèrent l’Érythrée: un référendum organisé par les Nations unies constata que (même sans consulter les nombreux Érythréens qui avaient fui jadis vers le centre de l’Éthiopie impériale) les Éthiopiens de l’ex-Colonia Eritrea souhaitaient être fédérés à leur ancienne patrie, ce qui leur fut concédé en 1952. En occupant autrefois ce territoire aride, les Italiens avaient surestimé le trafic commercial qui le traversait, entre la mer et le centre de l’Éthiopie: ce trafic déclinait et, dès la fin du XIXe siècle, les quatre cinquièmes de la population autochtone avaient fui vers les provinces impériales par suite des confiscations de leurs terres, de la ségrégation, des discriminations italiennes favorables aux catholiques et aux musulmans. De plus, à la Libération, les Britanniques avaient démantelé ports et voies ferrées sous le prétexte d’indemnités de guerre dues par les Italiens. Rattachée à l’Éthiopie par un statut fédératif qui la laissait à ses seules ressources, l’Érythrée était exsangue. Et c’est pourquoi, hâtivement réunis, les parlementaires érythréens demandèrent par vote l’annulation de ce statut fédéral et le bénéfice de tous les droits des provinces ordinaires de l’Empire (nov. 1962). Cette démarche, qui surprit le gouvernement éthiopien lui-même, embrasa les mécontentements politiques ou culturels de l’ex-colonie.
À Massaoua naît une marine de guerre. Un collège universitaire (1946) prélude à la fondation d’une université. Des industries sont créées. Le souverain rejette la tutelle que l’Église copte d’Égypte exerçait depuis mille ans sur la chrétienté éthiopienne: pour la première fois, un Éthiopien est consacré patriarche en 1951. Célébrant, en 1955, le jubilé de son couronnement, Haïlé Sellassié édicte une Constitution "révisée", où des institutions parlementaires se dessinent.
À l’intérieur de certaines des églises de Lalibéla, des reliefs, et surtout des peintures, présentent un intérêt iconographique et historique considérable; sans doute les peintures, dont les premières datent du XVe siècle, sont-elles postérieures à la construction de ces églises. Sous l’impulsion d’un comité international, on procède actuellement à la conservation et à la restauration de cet ensemble unique au monde, malheureusement fort dégradé ou objet de remaniements bien intempestifs.
Si, comme dans tout l’art éthiopien, la rondebosse fait défaut, on trouve des reliefs à décor géométrique. De nombreuses parois décorées apportent une documentation précieuse pour la connaissance de la peinture éthiopienne: on y discerne des styles et des manières très diverses, de la plus naïve à la plus élaborée; si certaines reflètent une tradition fort archaïque, d’autres ne peuvent guère être antérieures au XVIe siècle (église de Guh). De nombreuses missions seront nécessaires pour étudier cet impressionnant ensemble; il est trop tôt pour tenter de donner des indications précises de datation. Et il reste encore bien d’autres régions d’Éthiopie qui n’ont pas été systématiquement explorées, telles les églises du lac Tana, dont on sait cependant la richesse en peintures et en orfèvrerie sacrée. Un bon expert, A. Mordini, a estimé à quinze cents le nombre des églises antérieures au XVIe siècle dont il subsiste des vestiges.
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